Qu’advient-il des contraventions et délits de la route commis par un salarié ?
Lorsqu’une société met à la disposition de ses employés des véhicules de fonction, il est possible de s’interroger sur le traitement des amendes et du retrait de points en cas d’infraction au code de la route. Lorsque l’infraction commise est constatée par un procès-verbal, et que le conducteur n’a pas été contrôlé (c’est le cas lors d’un contrôle par cinémomètre par exemple) c’est le titulaire de la carte grise qui le réceptionne. Dans ce cas, c’est l’employeur qui recevra l’avis de contravention. Or, l’employeur est rarement le conducteur responsable.
Depuis le 1er janvier 2017, les employeurs ont l’obligation de communiquer, dans un délai de 45 jours, l’identité du salarié qui a commis une infraction routière avec un véhicule de l’entreprise sous peine de devoir s’acquitter d’une amende (article L 121–6 du code de la route). Il s’agit là d’une contravention de 4ème classe, soit une amende susceptible d’atteindre les 750 euros. Un arrêté précise les modalités de cette communication.
En effet, le signalement peut s’effectuer par lettre recommandée avec accusé réception en utilisant le formulaire prévu à cette fin qui est joint à l’avis de contravention.
L’employeur peut également communiquer ces informations en ligne sur le site Internet de l’agence nationale de traitement automatisé des infractions (antai.fr).
Dans un cas comme dans l’autre, l’employeur indique l’identité, l’adresse et la référence du permis de conduire de la personne physique qui conduisait le véhicule.
Si le conducteur ne peut pas être identifié, en raison du vol du véhicule, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre évènement de force majeure, il faut pouvoir en justifier, selon les mêmes modalités, en produisant les éléments pertinents : copie du récépissé de dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule, copie de la déclaration de cession du véhicule, etc. (articles A 121–1, A 121–2 et A 121–3 du code de la route).
Un décret en date du 28 décembre 2016 précise les infractions concernées par les nouvelles dispositions.
Ces dispositions visent à mettre fin à l’ancien dispositif, qui offrait jusqu’alors trois alternatives aux employeurs : Il pouvait choisir de payer lui-même l’amende (dans ce cas, le retrait de point était effectué sur le permis de conduire du titulaire de la carte grise), de contester le procès-verbal d’infraction en dénonçant le véritable conducteur, ou bien de contester tout en refusant de communiquer l’identification du salarié responsable. Dans ce dernier cas de figure, l’employeur consignait l’amende réclamée, mais à défaut d’identification possible du responsable, l’administration se trouvait dans l’incapacité de procéder au retrait de points.
On ne peut que regretter l’entrée en vigueur d’un tel dispositif. D’une part, l’employeur ignore souvent les conditions d’utilisation de sa flotte de véhicules, mis à la disposition des salariés sans pour autant qu’il y ait d’attribution spécifique. D’autre part, il n’est nullement indiqué dans les textes que l’employeur ait l’obligation de fournir des éléments probants justifiant de la véritable identité du responsable (registres d’entreprise, emploi du temps, etc.). Le législateur met à la charge de l’employeur, un rôle qu’il n’a pas à assumer, celui de relever les infractions pour le compte de l’administration. En plus d’être contraire à l’appréciation que la Cour de cassation faisait des anciennes dispositions, cette procédure laisse augurer des difficultés futures à sa mise en œuvre. Effet, s’agissant en l’espèce d’une présomption de responsabilité, l’employeur n’est exonéré qu’en apportant la preuve de la culpabilité d’une autre personne, dûment identifiée. Lorsque l’employeur refusait de faire une quelconque dénonciation, les juges du fond condamnaient ce dernier sur cette seule présomption. Or, la Cour de cassation avait censuré cette position, et décidait qu’en jugeant ainsi, les juges d’appel opéraient un renversement de la charge de la preuve (Cour de cassation, crim. 7 décembre 2011, n° 11-85.020 ; Cour de cassation, crim. 22 novembre 2011 n°11-81500).
La portée des décisions précitées aurait vocation à s’appliquer aux nouvelles dispositions, dans la mesure où la dénonciation du salarié, automatisée, les obligera à apporter la preuve qu’ils n’ont pas commis l’infraction qui leur est reprochée. De sorte que l’administration, à laquelle revient le soin d’identifier le véritable responsable, opère un renversement de la charge de la preuve incombant à l’employeur. Preuve souvent difficile, voire impossible à rapporter.
Damien VINET
Avocat au barreau de Blois